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La bonne étoile de Mbaba !
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par repost de bleu ici plus qu'ailleurs
MBaba Camara, apprenti boulanger chez Jean-Philippe Bon rue Longuyon à Séte.
On ne naît pas tous avec les mêmes chances. Parfois il faut prendre des risques insensés pour tout simplement vivre sa vie. C’est ce qu’a fait MBaba, jeune Malien de 18 ans en rejoignant la France et Séte.
Baba, 15 ans, et quatre de ses amis, vont entreprendre au péril de leur vie le grand voyage de l’espoir.
Depuis son plus jeune âge, Baba, fils cadet d’une famille éclatée de quatre frères, vit avec son oncle dans la petite ville de Bourdala au nord-ouest du Mali. Ses journées se passent entre l’école communale, les jeux avec ses amis sur la piste de terre qui traverse le bourg et le travail au potager familial.
Baba est un enfant heureux, il aime l’école et ses amis. Sa vie sur place est insouciante et le jeune enfant poursuit une scolarité exemplaire. Privé de sa maman depuis longtemps, Baba vit dans un univers masculin. Son quotidien est déterminé par son papa et son oncle qui dirigent sa vie et vont forcer son destin à la veille de son entrée au collège. Ce jour-là Baba apprend avec stupéfaction qu’il va devoir arrêter l’école pour se consacrer aux tâches familiales et en particulier à l’entretien du potager. Il ne comprend pas. Dans sa tête, il imaginait déjà de longues années d’études qui devaient l’amener vers un beau métier et un autre destin. A Bourdala, tout le monde sait que « les grands-frères » organisent des voyages vers l’Europe. Baba et ses amis, mécontents de l’avenir qu’on leur dessine s’intéressent au sujet et se laissent finalement facilement entraîner et convaincre par leurs ainés. Ils y réfléchissent en catimini pendant une année complète.
Janvier 2019, le départ approche
Baba a 16 ans et sa famille vient de découvrir son projet. Contrairement à ce qu’il craignait, on lui souhaite « bonne chance et bon voyage » et on ne le retient surtout pas ! Il comprend à ce moment-là que sa vie va basculer… Deux mois plus tard, « les grands-frères » appellent les enfants et leur proposent un départ prochain. La petite équipe des cinq copains va quitter le village, entassée à l’arrière d’un camion déglingué pour voyager à travers le désert en direction d’une destination qu’ils ne connaissent pas.
Mars 2019, c’est le départ d’un parcours éreintant qui va durer une semaine, la circulation se fera de nuit pour éviter les contrôles et les attaques. Cap au nord, à travers l’ouest du Mali, la Mauritanie, le Maroc et enfin un lieu d’embarquement inconnu au bord de la mer Méditerranée. Dans cette zone d'Afrique de l'Ouest, de nombreux migrants témoignent de violences inouïes auxquelles ils ont survécu sur la route : brûlures avec de l’huile chaude, électrocutions, violences sexuelles, prostitution forcée ou esclavage. En Afrique de l’Est et du Nord, les prédateurs sont des djihadistes ou les passeurs eux-mêmes. Sur la route de Baba et de ses amis, les risques sont principalement le fait des forces de sécurité et de la police, mais ça, les « les grands-frères » ne le leur ont pas dit.
La bonne étoile de Baba
Heureusement pour eux, la petite équipe est protégée par une bonne étoile et une semaine après son départ et des milliers de kilomètres parcourus à travers le désert, elle arrive miraculeusement et sans encombre majeur à Nador (Maroc). A ce moment précis, la famille de Baba doit payer 600 000 Francs CFA (environ 1000 euros) aux passeurs ; le prix d’une vie pour embarquer sur un zodiac de fortune vers l’Europe !
10 mai 2019, Nador, plage de Marchica, 3 heures du matin
Il y a foule sur la plage, les bateaux sont en attente sur le sable. Dans le groupe de Baba ils sont 60 : 56 hommes et 4 femmes, plutôt bien tombés, car chacun d’entre eux se voit remettre un gilet de sauvetage vieillissant. Pour la plupart, ils ne savent pas nager. Ils vont embarquer en toute confiance sur les ordres « d’un capitaine bienveillant » en direction du Nord, de l’Europe et d’une vie meilleure. La nuit est courte et se passe sans encombre. Au matin, alors que le bateau est déjà au milieu de la Méditerranée, il est survolé par un hélicoptère espagnol. « Ce n’est pas grave, dit le capitaine, nous poursuivons notre route ». Dix heures plus tard, aux alentours de 18 heures, apparaît au large une vedette des garde-côtes espagnols qui va arraisonner le zodiac et donner l’ordre à tous les migrants d’embarquer à son bord. Paradoxalement pour Baba et ses amis, c’est déjà presque la fin du voyage. Dans l’insouciance de leurs 15 ans, ils sont heureux, chantent et dansent sur le pont, pendant que le bateau prend la direction de l’Andalousie espagnole et de l’Europe. .
L’Europe et la France
Le petit groupe est débarqué au port de Motril-Granada. Baba va être séparé de ses amis et en tant que mineur, sera envoyé dans un centre dédié aux migrants mineurs à Barcelone où il va rester trois mois. Durant cette période, les éducateurs vont tout tenter pour le faire rester en Espagne, mais Baba veut autre chose. L’espagnol lui est inconnu, il parle français et veut vivre en France. Pour lui le voyage n’est pas fini. L’encadrement ne cède pas, alors Baba arrête simplement de manger. Au bout de quelques jours devant l’obstination et la détermination du jeune homme, ils vont céder et lui prendre un billet de train pour la frontière française. Baba quitte Barcelone durant l’été 2019 direction la France et la fin de son voyage. A Port Bou, il descend du train catalan pour sauter dans celui d’en face en direction de Montpellier, ville qu’il connaît grâce à son club de football. Le 9 septembre 2019, le jeune homme arrive à la gare de Montpellier Saint-Roch au milieu de la nuit. En sortant de la gare, il rencontre une personne bienveillante qui va l’héberger et lui conseiller de se rendre dès le lendemain au poste de police pour se signaler. Baba est confiant et écoute ces conseils ; sa bonne étoile le suit toujours, il est bien traité au commissariat, et est pris en charge immédiatement comme mineur isolé par des éducateurs du département.
Sète et la boulangerie
Les jeunes migrants sont répartis dans tout le département. Baba est envoyé à Sète où il va loger dans des hôtels d’accueil pendant dix mois. Durant cette période, le jeune homme découvre la ville et les sétois, s’y intègre parfaitement et prend goût à la vie française. Au mois de septembre 2020, après deux mois de stage d’initiation réussis chez Jean Philippe Bon, il signe son premier contrat d’apprentissage à la boulangerie de la rue Longuyon. Majeur aujourd’hui, il habite au foyer de l’habitat jeune et suit ses cours au CFA Camille Albano comme apprenti boulanger.
Baba est heureux de faire tous les jours le pain avec Jean Philippe et partage avec lui une complicité évidente. Le jour de notre entretien, il conclura notre rendez-vous avec un grand sourire et une phrase définitive : « la France m’a donné ma chance, m’a formé et m’a instruit. Je suis heureux. Merci la France ».
Eric Peyre
NB : Sur cette route migratoire de l’Afrique subsaharienne, entre 2018 et 2019, 1750 personnes ont officiellement trouvé la mort, ce qui représente environ 72 décès par mois. A cela s’ajoutent environ 1200 migrants qui ont perdu la vie noyés dans la Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe sur des embarcations de fortune. L’espoir d’une vie choisie a une contrepartie périlleuse surtout quand on est né dans un village quelque part en Afrique
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